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Maudit anneau !

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Que dit Modiano quand il se fait mettre ? Si tante est... Il s'écrie : « Maudit anneau ! » Tel est le ton, que je ne compte pas tenir, et voici le dilemme : j'ai détesté Modiano, puis je l'ai bien aimé, puis il m'a indifféré. Pourquoi tant de moi-même ? Parce que je ne m'intéresse plus à grand-chose, et que ces rubriques dites « littéraires » et « critiques » tourneront bientôt à la plainte prénécrologique de votre serviteur. Modiano, dans La petite Bijou comme dans ses autres œuvres, joue sur le minimal. Et encourt forcément, de la part des âmes insensibles, des soupçons de maigreur, d'indigence, d'imposture, comme Erik Satie, comme Verlaine, comme Duras, ce qui fait tout de même un magnifique trio.

 

Si l'on ajoute le Wim Wenders des Ailes du désir pour l'idéalisme en cadre sordide, film que j'ai tantôt adoré, tantôt rejeté, le tableau sera complet. Donc, ou vous adhérez, ou vous n'adhérez pas, auquel dernier cas tout vous semble décoloré, gratuit, déjà lu chez Modiano par exemple. La sensibilité de certains lecteurs sera donc délicatement chatouillée, le réfractarisme des autres demeurera dans la cour, avec les feuilles mortes. Il restera donc à regretter de ne pas avoir envie de subir une fois de plus la recherche d'une mère que l'on croit morte, l'errance parisienne au sein des indices évidemment ténus, la nostalgie par tous les pores. La petite Bijou que sa mère pas morte voulait voir célèbre un jour sur les planches, et qui retrouve un appartement du XIIe, habitée par une autre petite fille comme elle (car l'histoire se répète), avec des parents indifférents comme les siens jadis, fillette dont elle a la garde de temps en temps, et dans un style si pur qu'il en est anémié. Nous recevons de grandes plâtrées de sentimentalisme extraféminin : car le personnage principal, Petite Bijou devenue grande, est une femme, seulement voilà, on sent trop Modiano derrière, et le lecteur peine à y croire. Elle rencontre une phramacienne de garde, qui la ramène chez elle, se couche habillée près d'elle, et l'esprit mal tourné que je suis ne parvient pas à voir dans cet épisode la substitution d'une mère aimante et soignante à une mère aigrie et demi-folle, mais plus ou moins un flirt lesbien, tant il est difficile à un homme de décrire l'amour d'une mère pour sa fille et vice-versa. Dans ce cas-là, que fait le critiquaillous ? Il déballe ses couplets sur la pureté, la nostalgie, l'évanescence, la nuit parisienne, le vague, la superposition des souvenirs et de la réalité, la vérité des dialogues avec la petite fille qui voudrait un chien, autrement dit, symboliquement parlant, une mère, elle aussi, de substitution, et autres ginetteries - notez qu'il y a bien pire : ça s'appelle Bobin.

 

 

 

Ici, le souffle ténu de Modiano s'évapore sitôt émis, à la Françoise Sagan, autre référence. Le numéro de Modiano j'en ai marre, ses rêveries je sais où ça mène, au lit jusqu'à quinze heures par jour, et si l'auteur peut en tirer quelques dizaines de pages de brume qui se vendent bien, tant mieux : ça plaît aux mémères poétiques. Tabucchi aussi, mais avec de quoi voir et sentir. Ici, une sensualité désossée, désincarnée, des demi-teintes, des camaïeux, du pastel, enfin tout ce qu'on dit d'habitude, et le débouchage illico, après une seule page, sur du texte :

 

« Nous étions arrivés au bord du petit lac où l'hiver les gens viennent patiner. Un beau crépuscule. Les arbres se découpaient sur un ciel bleu et rose.

 

« Il paraît que tu veux un chien. »

 

L'impasse Chanau.JPG


 

Elle était gênée, comme si j'avais dévoilé son secret.

 

"Tes parents me l'ont dit."

 

Elle a froncé les sourcils et ses lèvres se serraient dans une moue. Puis elle m'a dit brusquement :

 

"Eux, ils ne veulent pas de chien."

 

- Je vais essayer de leur parler. Ils finiront bien par comprendre." (l'ennui, chère Bijou, c'est que vous avez affirmé aux parents que vous alliez persuader leur fille d'y renoncer).

 

Elle m'a souri. Elle avait l'air de me faire confiance. Elle croyait que j'allais pouvoir convaincre Véra et Michel Valadier. Mais je n'avais guère d'illusion. Ces deux-là étaient aussi coriaces que la Boche." (surnom de la maman de Bijou, qui a dû porter un foulard de tête, probablement, après la Libération mais pas de la femme). "Je l'avais senti dès le début. Elle, Véra, ça se voyait tout de suite. Elle avait un faux prénom. Lui non plus, à mon avis, il ne s'appelait pas Michel Valadier." - mais Casimir Tronchembiais. "Il avait dû se servir, déjà, de plusieurs noms. Et d'ailleurs, sur sa carte de visite, il était écrit une autre adresse que la sienne. Je me demandais s'il n'était pas encore plus retors et plus dangereux que sa femme.

 

"Maintenant, il fallait rentrer et je regrettais de lui avoir fait une fausse promesse." C'est une faute morale en effet, comme dit l'autre. "Nous suivions les pistes cavalières" (évidemment) "pour rejoindre le Jardin d'Acclimatation. J'étais sûre que Véra et Michel Valadier demeureraient inflexibles.

 

"C'est lui qui nous a ouvert la porte. Mais il est tout de suite rentré dans son bureau du rez-de-chaussée, sans nous dire un mot. J'ai entendu des éclats de voix, très violents." - ce n'est jamais COLLIGNON HARDT VANDEKEEN « LUMIERES, LUMIERES »

 

MODIANO « LA PETITE BIJOU » 58 09 20

 

 

 

 

 

 

 

que la deuxième fois. "Madame Valadier – Véra – hurlait, mais je ne comprenais pas ce qu'elle disait. Leurs voix à tous les deux se mêlaient et chacun voulait étouffer la voix de l'autre sous la sienne." Tiens, ça me rappelle mon enfance. Il y entre bien, le Modiano ; avec un style si pur qu'il sera traduit, et que son œuvre subsistera dans les siècles, qui sait ? "La petite ouvrait grands les yeux. Elle avait peur, mais je devinais qu'elle était habituée à cette peur. Elle restait immobile, figée dans le vestibule, et j'aurais dû l'entraîner ailleurs. Mais où ? Puis Mme Valadier est sortie du bureau, l'air calme, et nous a interrogées :

 

"Vous avez fait une belle promenade ?" - au moins, dans cette famille, on ne dit pas que tout est la faute du gosse.

 

Elle ressemblait, de nouveau, à ces blondes froide et mystérieuses qui glissent dans les vieux films américains. À son tout, M. Valadier est sorti. Il était très calme lui aussi. Il portait un complet noir élégant et sur l'une de ses joues de grandes estafilades, sans doute des traces d'ongles. Ceux de Véra Valadier ?" (judicieuse interrogation, à laquelle nous n'aurions jamais pensé). Elle les avait assez long", a-v-a-i-e-n-t, faute ignoble qui se répand, bravo l'écrivain. Ils se tenaient l'un à côté de l'autre dans l'encadrement de la porte, et ils avaient leurs visages lisses d'assassins qui demeureraient longtemps impunis, faute de preuves. On aurait dit qu'il posaient, non pas pour une photo anthropométrique, mais pour celles que l'on prend à l'entrée d'une soirée, à mesure que se présentent les invités.

 

"Mademoiselle t'a expliqué pour le chien ?" a questionné Véra Valadier d'un ton distant qui n'était pas celui de la rue de Douai, où, m'avait-elle dit, elle était née. Avec un autre prénom.

 

"C'est très gentil, les chiens... Mais c'est très sale."

 


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