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Martine à la ferme

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 Je ne parviens pas à remettre la main sur Martine à la ferme, qui gît par trente-cinq ans de fond sous les couches de bouquins d’enfance, à côté de la chaudière à fioul. Mais vous vous souvenez, vous peut-être surtout Mesdames, de ces délicieux albums destinés aux petites filles : Martine, contemporaine des premières poupées Barbie, montrait aux jeunes lectrices à quoi il fallait ressembler pour être une bonne fifille à sa maman. : toujours propre, bien élevée, souriante, aimée de tous. Martine se voyait transportée, d’épisode en épisode, à la plage, en vacances, à l’école, dans le train, sur la lune je ne crois pas, au bordel non plus ma foi, en auto, à la montagne.

 

Autour d’elle un monde adulte lisse et rassurant, des grands-parents en bonne santé, exempts de grincherie , des parents jeunes, disponibles et de bonne humeur. Ni morts, ni divorces, ni mésententes, un monde idyllique. Les dessins participaient de cette mythologie : une petite fille mignonne à croquer, avec des petites jambettes, des petites chaussettes ou un petit ciré, une petite culotte aussi, bien visible à chaque fois qu’elle tombe. Coquette mais sans trop, attirante, bien aimable avec tous et sans préoccupations au-dessus de son âge. Bon, c’est de l’ironie facile. A vrai dire il n’y aurait pas grand-chose de plus à dire, à moins de me livrer à un grand développement sur le milieu social aisé où se déroulent toutes ces minces aventures :  papa conduit une auto, maman sait se conduire en vraie femme, au second rang, toujours à sa place, montrant l’exemple à sa fifille, et personne n’a de difficultés de fin de mois.

 

Pas de pauvres non plus, pas de problèmes, un monde où tout roule comme sur des roulettes, et je sais bien qu’il faut protéger notre jeunesse et ne pas la mettre trop tôt en face de certains problèmes. Mme Boutin a même critiqué vivement certaines collections qui parlent d’inceste ou de pédophilie, les accusant de trop faire réfléchir les petits enfants, voire de les pousser au désespoir…. Allons, madame Boutin… Je voudrais donc faire observer, à propos de la collection des « Martine », à quel point,, en partant des représentations les plus innocentes, on en est venu à favoriser l’accès des petites filles à l’ère du désir, je veux dire du désir des autres sur elles.

 

On commence par s’attendrir sur tant d’innocence, puis par trouver ces petits bouts de chou bien mignons, adorables à reluquer. L’étape suivante consiste à céder aux caprices de coquetterie, ce qui est encore véniel. pour une petite fille. Vient ensuite cette propension à faire de la petite fille une Miss en miniature, une Mini-Miss, qui se trémousse comme une grande et se maquille outrancièrement. C’est au point que l’une d’entre elles a fini assassinée par un détraqué. Il me semble qu’il y a une contradiction tragique entre le souci de préserver nos enfants de la convoitise lubrique des malades sexuels et cette starisation, ou sans aller jusque-là cette érotisation du regard. Que le désir éprouvé à l’égard d’un enfant aille jusqu’à le prendre dans ses bras pour le couvrir de caresses licites et de gros bisous, voilà qui est bien, mais est-il nécessaire de frôler sans cesse et si inconsidérément cette frontière qui sépare le permis de l’interdit ?

 

La série des « Martine »  n’est pas visée, rien de plus innocent , de plus asexué, que ces albums-là. Rien de plus mièvre en fait, rien de plus niais. C’est le style « A vrai dire », ce petit concentré de vie française à la sauce bobo, qui m’exaspère avant les informations, je préfère Samantha, nettement moins moral – mon curé regarde-t-il « Samantha » ? Qu’en pensent mon imam, mon rabbin ? Puisqu’on parle des infos, laissez-moi fustiger Môssieur Pujadas, qui est descendu au plus bas niveau jamais atteint de démagogie crapoto-putassière : je veux parler de ce faux fait-divers concernant les petits garçons qui ont un peu trop joué au docteur avec leur petite copine.

Le Grand Prognathe.JPG

 

Vraiment nous sommes tous devenus fous, obsédés sexuels. Qu’il y ait eu des exagérations ans le comportement de certains marmots, certes. Mais était-il besoin d’ameuter le ban et l’arrière-ban, psychiatres, flics, armada judiciaire et tout le toutim ? Est-ce que ça ne pouvait pas se régler avec quelques gronderies et paires de claques, comme au bon vieux temps ? Nous sommes obsédés par ce qui peut bien se passer dans les culottes de nos enfants et dans les toilettes d’écoles primaires. Nous sommes tous là scotchés devant les procès pour pédophilie, attendant des détails qui heureusement de viennent jamais, à moins qu’ils ne se laissent sous-entendre, comme cette histoire de shampoing dans les cheveux des petits garçons, je vous laisse penser quel shampooing de la part d’un ignoble directeur d’école.

 

La publicité doit se faire au niveau de la prévention, et non pas des procès relatés à grands flonflons médiatiques. J’ai horreur des indignations un peu trop voyantes et légèrement exorbitées des deux sexes, des cris d’horreur, des jugements à l’emporte-pièce genre « On devrait leur couper les couilles », quand ce n’est pas « la tête ». Nos enfants seraient bien mieux protégés par la discrétion, et une ferme mise en garde ne dépassant pas le milieu familial. Mais de grâce qu’on nous épargne ces comptes-rendus détaillés, ces visages floutés, que dis-je, ces séquences porno floutées, où l’on sent qu’il y a quelque chose de sale juste là, derrière le floutage, et que c’est bien dommage, n’est-ce pas, juste pour voir, juste pour s’indigner vertueusement, on aimerait bien savoir mais on ne verra rien, nananère, c’est ça qui est , obscène, qui est odieux.

 

Et les sous-journalistes qui courent après l’audience pourraient se dispenser de nous relater avec une indignation gourmande les petites exactions de morpions de cinq ans tout juste justiciables de coups de pied au cul. Légers : ils n’ont que cinq ans. Cela me rappelle ces vertueux voisins américains qui avaient alerté la police pour des jeux de découverte entre un frère de onze ans et sa petite sœur : allez hop, psychiatres, menottes, artillerie lourde… Me voilà bien loin des Martines assurément, mais j’aime bien voir des enfants normaux, c’est-à-dire avec des parents qui s’engueulent, des profs qui fatiguent, des frères qui tirent les cheveux et des petits-déjeuners amers : parce que la chicorée, c’est pas ton père. Voilà, c’est bien bref tout ça, je vais reprendre mes recherches de Martine à la ferme

 


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