Mais ces bons hommes (ainsi s'appelaient-ils) ne croyaient pas en un Dieu descendu du ciel, incarné, mort et ressuscité le troisième jour, ce qui est le fondement du dogme chrétien. Ils estimaient mauvaise toute oeuvre de matière, toute reproduction charnelle. Jamais un Dieu, l'eût-il voulu, n'aurait pu se réincarner dans un monde matériel mauvais, créé par Satan.
Il y avait donc deux Créateurs, aussi puisssants l'un que l'autre. Dieu avait créé ce qui est en haut, le bon, l'aspiration vers le divin, l'âme, et le Démon, le corps qui emprisonnait l'âme, et tous les mauvais instincts, comme de battre, tuer, voler. L'Eglise Catholique, souvent riche, souvent corrompue, servait en fait le Diable. Tout cela eût été bel et bon sans l'appétit des Rois de France, qui lorgnaient vers le Midi, vers le Languedoc.
Le catharisme fut alors prétexte à une croisade bénie par le Pape, alors que seules comptaient les riches terres à conquérir par les Seigneurs du Nord. Jean Markale expose tout cela avec une clarté étonnante. Ces pages-là ne figurent pas dans les manuels d'Histoire. Moins encore l'étude très serrée sur les différentes doctrines dont les cathares ont pu s'inspirer, comme le manichéisme, professé par le Persan Mani/Manès.
Loin de l'auteur l'idée que les Cathares aient pu s'inspirer directement du manichéisme, répandu mille ans plus tôt, ou des bogomiles venus de Bulgarie. Mais il semble que des courants souterrains de transmission aient existé, n'affectant d'ailleurs que les plus évolués, les plus instruits des Cathares. Car tout le peuple n'était pas constitué de parfaits. Les Parfaits, c'était les hommes si détachés du monde, si purs dans leurs moeurs, qu'ils entreraient directement dans le royaume des Cieux après leur mort.
Ils n'auraient plus besoin de se 'occurrence [sic] le soleil, mais sans adorer cet astre matériel lui aussi.
/ Lecture de la p. 235 /
Examinant les derniers avatars de la pensée cathare, Markale débouche sur une interprétation très sulfureuse qui est celle des nazis. Pour les plus initiés d'entre eux (car certains SS se faisaient initier à une forme de pensée supérieure), les Purs, les Parfaits, représentaient une caste de race supérieure préposée à la garde du Graal. On a prétendu en effet que ce vase sacré, ayant contenu le sang du Christ, étaient ce mystérieux trésor que les fugitifs de la forteresse auraient emporté nuitamment avec eux.
Mais outre le fait qu'on voit mal des anti-matérialistes, éloignés de surcroît du culte de Jésus, s'embarrasser d'un joyau si précieux fût-il, il faut se représenter le Graal comme tout autre chose qu'un vase : beaucoup plus vraisemblablement s'agissait-il d'une pierre philosophale, la pierre de touche, tombée du ciel ou du front de Satan, capable entre autres choses de transmuer tout métal en or, mais aussi de distinguer le Bien du Mal ; en somme, le symbole de la Connaissance Suprême, promise par le démon dans le paradis terrestre.
/ Lecture de la page 282 /
Voilà donc où vous aura entraînés ce passionnant ouvrage, c'est-à-dire, de la Perse à
l'Allemagne, de Jésus à l'Ordre Noir, et j'en passe, j'en passe même beaucoup. C'est assez en tout cas pour vous recommander chaudement de lire l'oeuvre de Markale "L'Enigme cathare". Petit détail : non littéraires, non bacheliers, s'abstenir.