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Ah les cons !

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Mettre les rieurs de son côté”. Souvenez-vous du mot de Camus : “Il faut bien frapper, quand on ne peut avoir raison” - je préfère “Quand on ne peut avoir raison, il faut bien frapper”. Elmer Hubbard, écrivain américain mort en 1915, a dit finement : “Lorsque vous ne pouvez pas répondre à un argument de votre adversaire, rien n'est perdu : vous pouvez encore l'injurier.” Il est illusoire d'enseigner aux enfants qu'ils peuvent convaincre au moyen de procédés logiques – le mercantilisme a encore frappé : le français doit “servir” à quelque chose, n'est-ce pas. A se défendre dans un procès. A “convaincre”. Or je défie quiconque de distinguer l'argument valable de l'argument fallacieux. Je me souviens d'avoir dû mettre une excellente note à un élève qui raisonnait en faveur de la peine de mort ; c'est le cœur qui entraîne la conviction ; pas le cerveau. « Mais alors, la porte est ouverte à tous les fanatismes ! » - à votre cœur, là aussi, de faire la différence.

Les classiques auraient dit « raison », Jean-Jacques dit « vertu » ; l'une comme l'autre bien mal employées, justifiant bien souvent l'injustifiable... Mais le but, le propos de l'enseignement du français, ce n'est pas la technique de conviction ; c'est le plaisir de lire. Entendez-vous, réformateurs ? Le plaisir de lire. Ensuite seulement, et loin derrière, vient la question de l'engagement. Cette rage des opinions, des convictions, et du désir de convertir, a fait tout le mal possible à la littérature. Certes, écrire implique, obligatoirement, une dimension d'engagement. Mais ce doit être – ce peut être - à l'insu de l' écrivain. De préférence à l'insu de l' écrivain. A son corps défendant.

Connaissez-vous les convictions politiques de Malcolm Lowry (Au-dessous du volcan) ? A l'évidence non. Vous pouvez sans doute les déduire de son œuvre, voire très facilement. Mais il ne l'a pas fait exprès. Il ne s'est pas dit sciemment : “Voilà ; j'ai raison, j'ai trouvé la balance à peser les balances, je vais démontrer ça et ça, et ceux qui ne penseront autrement seront des cons, des chiens qu'il faut abattre.” Non. Malcolm Lowry écrivit un des chefs-d'œuvre du siècle (il y en a tant). Bien sûr que je prends les autres pour des cons. Tout paranoïaque normalement constitué prend les autres pour des cons. “Par rapport à moi-même, je ne vaux pas grand-chose ; mais par rapport aux autres...” - signé Monsieur Tout-le-Monde – la signature fait partie de la citation, qui est de Villiers de l'Isle-Adam si j'ai bonne mémoire.

 

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Bien sûr, déclarer cela tout à trac - vous expose immanquablement à passer vous-même pour un con. Eh bien, acquiescez, battez votre coulpe, affirmez haut et fort que vous êtes un con, en effet, le plus con de tous les cons, sans en penser un mot. Et quand tout le monde aura bien ri du Penseur du Siècle et de sa géniale autodérision, rentrez en vous-même et reprenez votre connerie où vous l'avez laissée ; que pensez-vous donc faire ? C'est la nature humaine. Comme les bras ou les jambes. « Le péché originel » si ça vous chante. Le vice de fabrication. Simplement cachez-le. Traduisez-le le moins possible dans les faits. Ne faites jamais sciemment de mal aux autres cons vos frères.

Je vous communique une excellente formule : « Rigolez, rigolez de ma connerie ; ça vous évitera de pleurer sur la vôtre » : je l'ai sortie les derniers temps (vous voyez bien qu'il eut évolution, tout de même). Seule, dans le brouhaha, une élève s'est rendu compte de ma vacherie ; elle s'est tournée vers les autres : « Vous vous rendez compte de ce qu'il vient de vous casser, là ? » Mais les autres ne l'ont pas entendue.


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