Car si loin que s'étale notre séparation, je te serai toujours uni amen. Seule Alfred ton cousin à charge me retient sur le chemin de la réalisation. Il me faut un obstacle et j'y tiens : à celui-là. Je rase les lisières de l'incompréhensible ne suis-je pas en effet sur les chemins ardus d'Eckart et de Hölderlin. Seigneur prends pitié de ton fils naissant. Je ne veux plus désormais que serrer la femme et la broyer pour m'en repaître comme un boa casse les os puis engloutit. Sadisme et inversion, le fils contenant la mère alors. Par la folie, l'amour et l'absorption se résoudraient séparations et conflits.
Gvêréét et son cousin me sont occasion de folie, de longement d'abîme escarpé sans que j'y tombe. Le fond d'écran mystique où de toute nécessité je dois progresser et monter, hors anecdote, en l'espoir d'une étreinte broyante. Et je serai aussi bien broyé que broyant. Ces raisons-là comme le Fils sont présentes en tout homme. Nous nous parlons désormais de part et d'autre de notre vallée de larmes. Elles affleurent en permanence, et ce qui me fait du bien lui fait du mal. Et allez donc. Toucher ou pénétrer ma Kohanim serait pour moi régénérateur, autant que pour elle destructeur. J'ai reproché à Kohanim la dernière fois son abstraction distinguée. Elle y excelle, mais s'étire avec volupté.
Nous parlons littérature. Je ne dois pas faire péter les bornes de son mépris ou de sa haine. Que rien dans son château ne soit dérangé. Que je reste discret : étourdit-on Dieu de prières ? Et toc. Elle me dit « Tu es soumis ». Réfléchis : je te serais autant soumis si la loi permettait que nous vécussions, parfaitement vécussions, ensemble, et je serais ravi de t'obéir, car tu es la seule vraie Mmaman qui se présente et je veux racheter mon enfance : tu ne serais pas ma mère, puisque je te baiserais, et je rejoindrais Rousseau. Je ne dois pas t'obséder avec ça Tata, il te faut la relation « propre » et « nette », non vaseuses – elle est bien bonne. C'est pourquoi je renonce à contacter ton Cousin Alfred, çui qui bave au couvent.
Si que y'avait pas lui, je t'enléverais dans la solitude, le vide, jusqu'à la folie passionnée. Jusqu'à l'empassionnement de la folie. Se jeter dans le vide. Les hautes époques en effet comportèrent autant de pensée ou de sentiments que la nôtre, et l'on s'aimait sans se toucher (« comme reflets de la beauté sur cette terre »). Je voudrais bien faire copainainainain avec Alfred, mais tiède, très très tiède. Et ma femme a serait d'accord, poétesse vaseuse. Ce soir je lui toucherai un mot sur les emboîtements de couples : Mamy-Balthar, Hannah et Ouam, Kohanim et Pouffa, et puis toutes les combinaisons, aussi fécondes que les trois piliers de Hachem (« le Nom ») : car si la kabale juive s'appuie sur piliers et chakras, la chrétienne prend pour pilier le Fils.
A présent nos échanges sont raréfiés, j'ai amené Gvêréét à résispiscence ; elle saute sur place dans ma corde, obtempère et recule en fonction de nos bons vouloirs à tous deux. A présent je me tire Isère, sans courrier ni téléphone. Mais elle grandira dans ma liberté. De trois jours. Je marcherai beaucoup. Il fera chaud. Des orages éclateront. Je me courberai pour ne pas donner prise aux éclairs. Je connais ça, moi, le courbé. Mais si je prie ou réfléchis, ce sera elle. En Dieu je trouverai toute originalité. Quelques mots par jour suffiront. L'éternité devant soi. S'pas.