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La revue des revues

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J'ai dormi quatre heures cette nuit. Comme toutes les précédentes. J'ai lu hier « Arlit », de couleur blanche : c'est un répertoire des revues, remonant à 1999 (2046), donc pour grande part désuet. Mais il fut écrit, par des mains consciencieuses, et doit être lu, par des yeux consciencieux. Il fut écrit, et doit être lu. J'annonce cette fois le titre, tant toutes se ressemblent, attendrissantes de bonne volonté, pathétique. Ce que je dis ici, nul ne l'a écrit avant moi, car je suis un maître à penser, je représente quelque chose de tout à fait nouveau que l'on s'ingénie par tous les moyens à étouffer, à la télévision où l'on me coupe la parole, à la radio où l'on feint de croire que j'ai à tout casser dix auditeurs.

Au parti socialiste, où l'on s'ingénie à me barrer la voie de l'inscription. La revue s'appelle Fruits défendus. Elle est qualifiée de moyennement sélective, car le grand but de tous ces écrivains-sangsues est de pénétrer dans une forteresse déjà existante, au lieu de construire la leur propre. Alors mes écrivains tentent de se glisser par une brèche entr'ouverte, avec des codes : 80% d'AS, 10 % d'AI, 10% d'AA. Ce qui signifie « auteurs sollicités », « auteurs inconnus », « auteurs abonnés ». Le Calcre a la prétention, en effet, d'aider tous ces petits écrivaillons à prospérer, à pratiquer l'entrisme, alors que nul ici n'entrera qu'il n'ait du talent, et du piston, autrement dit, le sens des relations humaines, de ce truc ignoble qui permet aussi bien de vendre du persil que d'entrer à l'Académie française.

Je ne veux pas être un auteur parmi d'autres, humblement courbé parmi les amabilités. Je me plains d''être seul, mais comme Du Bellay. Comme La Bruyère. Comme tous les doubles jeux. Recherche des illustrateurs/dessinateurs. Non. Vous ne recherchez rien du tout. Vous recherchez un copain qui soit illustrateur, un copain qui soit dessinateur. Essaye donc un peu pour voir, loquedu du cinquième rang, de proposer tes planches. Tu n'auras aucune chance. Je sais désormais qu'il ne me faut compter que sur moi. Bien sûr je pourrais décrocher un ouvrage sur Joe Dassin. Mais qui se soucie de Joe Dassin ? Avis aux auteurs. Chaque rubrique de revue se voit complétée par un salutaire avis, qui met en garde contre l'ambition grand chien fou, consistant à envoyer n'importe quoi, son recueil de poèmes, son collage en papier hygiénique ou autres productions génialissimes.

 

Terzieff, peint par Anne Jalevski atelierdepeinture.blogs.sudouest.fr. Celui-là, il a tout donné. Tout. Terzieff.JPG

Avec surtout, surtout ! le conseil (combien de fois négligé ?) de lire un exemplaire de la revue avant tout envoi. Il faudrait remplir une pièce de ces revues minables, et cracher au bassinet. Alors qu'il est si simple, si gratifiant, de construire soi-même son petit château de papier, de se retrancher derrière le sentiment de sa valeur méconnue, comme je le fais en ce moment, à cet endroit. Or toutes ces revues, je l'ai dit, se confisent dans leur vertu, se pensant originales jusqu'à l'os, indispensables au paysage intellectuel français, que dis-je, international. Prêtes à te refuser sous quelque prétexte idéologique que ce soit. Ou, carrément, ontologique. Ou parce que. Darum. Celle-ci est nouvelle venue. C'est une revue originale me dit-on, vivante qui a de l'ambition. Et sans virgule, ainsi, par négligence typographique, se dessine l'image noble d'une vivante. Elle reçoit déjà 20 contributions spontanées entre 2 livraisons. Voilà encore de nos statistiques calcriennes.

Ils s'imaginent, au Calcre – ici s'est intercalée une pénible déviation onirique, une funeste impression funèbre – pouvoir délivrer des conseils fiables. Comment évite-t-on la mort ? Et cette chape de fatigue, tardive, qui s'abat sur moi à plus de huit heures ? Et comme ces revues souhaitent peu recevoir de manuscrits, comme elles les accueillent pincettes en bataille... En 99, nous étions loin de prévoir l'effroyable et libérateur essor du réseau appelé net en anglais, où chacun déverse enfin ce qu'il veut. Quelle joie de pouvoir s'épancher, sans intermédiaire étouffant, car il n'est nulle de ces petites revues (existent-elles encore, face à la déferlante informatique ?) qui ne s'imagine posséder un « style », une « originalité », un « esprit », voilà, le mot juste est « l'esprit ».

Et lorsque tu la lis, tu t'aperçois qu'il n'en est rien, que tu as dans la main la même botte de radis que partout ailleurs, des petits garçons, des petites filles bien sage, qui appliquent les recettes de Mémé Littérature, avec des maladresses de couturières débutantes, nul souffle, rien que les petits oiseaux convenus, la satire convenue, le didactisme convenu, le petit Jésus con venu en deux mots. Je mesure tout ce qui me sépare d'eux. Et ce n'est pas la modestie. Cette fameuse « vertu des médiocres » - Montherlant ? Claudel ? Je n'ai jamais lu nulle part ce que j'écris. Malicorne et Manset. Ce serait un ouvrage. Pour lequel ne serait nécessaire nulle documentation. Le véritable roman des années Soixante-Dix.

Mon épopée à moi. Mon exaltation matinale. Et nul ne m'accuserait de nuire au pognon de l'entreprise Le Bord de l'eau. Car c'est de pognon qu'il s'agit. De responsabilité éditoriale d'épiciers. Pourtant je suis si bien là-bas. L'interviewer est si satisfait de mes transformations sur Benoît Jacquot. Ce cinéaste qui s'exprime comme un bègue. Je vais présenter ce projet. Elle reproche aux auteurs la méconnaissance totale des revues dans lesquelles ils désirent être publiés et l'arrosage « en aveugle » des comités de lecture. Hahaha. Je me marre. Des « comités de lecture », en vérité : un sauvage barbu mal lavé qui parcourt ton torchon en éructant, parce que tu as envoyé, camarade, tout simplement, tu as envoyé de la merde. Ta merde, mal écrite, mal orthographiée, bouffie de prétention (une merde bouffie, parfaitement). C'est impubliable. Il est même inimaginable que tu aies pu un seul instant d'imaginer rédiger quelque chose de présentable. Que tu ne te sois pas caché la gueule après avoir relu ça. Craché à la gueule (dans ton miroir). Et tu envoies tes merdes. Peut-être que je m'aveugle. Consultez au moins son web – respecte au moinsta langue : « son site sur la toile » - www.fruits-défendus.com. Suit un petit carré blanc, à cocher par le lecteur je suppose.

Il s'agirait d'aller chercher au plus profond de soi les vibrations qui se sont élevées, qui ont voluté, aux accords de Malicorne, aux aigre-douceurs fluettes et tremblotantes de Manset, voix (bientôt) d'outre-tombe. Et je paierais tout. Pourvu que j'oublie tout. Ce que je dis là ce matin. Car s'enfouir dans ces lourdeurs m'enliserait dans desmarais d'où l'on ne revient pas, aussi loin, aussi profonds pour le moins que les sargasses jalevskiennes. Car nous aurons marqué notre siècle. En 1995 paraissait le premier numéro de Fun en bulles, riche jeu de mots. C'est un (...Magazine)(je re produis la typographie) de Bande dessinée. Son adresse est 3 rue A.Gache 38000 Grenoble. Ma voie est différente.

La bande dessinée dans son résultat (non dans les arcanes de sa production, de s amise au jour ! qui doit être aussi mafieuse que le reste !) me semble plus pure, plus spontanée, plus métallique. Je vois un symbole de téléphone noir, un espace blanc : pas de téléphone. Une rubrique Fax, également blanche (une « asprique ») - le fax n'existe plus, si peu : bienfaisant « réseau », si purificateur ! Cela s'appelle l'aurore, dit Giraudoux. hstwemtech@jumhol.fr.Et mon écran docile de souligner ! Et miracle, aussitôt sur l'écran, aussitôt efficace ! Une flèche m'indique une immédiate liaison possible ! Ô bienfaisante dissolution de mon identité dans tous...


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