Daphnis était poète, et l'on mourait à 25 ans. En avance sur l'autre monde. Et l'on devenait Dieu, à chacun de nous son apothéose. Avec ses autels, ses petits sacrifices domestiques.
Ara est le mot général pour désigner un autel quelconque : introibo ad altare Dei, qui laetificat juventutem meam. “Qui réjouit ma jeunesse”. Retour bien-aimé de la messe en latin. Retour enfin du mystère, si les prêtres du moins cessaient de marmotter. “Ici, il s'agit d'autels bas pour brûler de l'encens et faire des offrandes de vin, de lait, etc. “ Pas de sang. Simples produits de la terre comme à chavouoth. J'aurais aimé que le sommeil ne vînt pas pour moi, ne s'invitât point encore une fois au détour de cette ligne – les notes sont le plus ingrat de l'affaire. “Ce passage semble faire allusion à l'apothéose de César, dont l'anniversaire tombait le jour des jeux Apollinaires et était célébré la veille.” - “et se célébrait la veille”, l'élégance, bordel, l'élégance ! Pocula bina novo spumantia lucte quotannis / Craterasque duo statuam tibi pinguis divi, Et multo in primis hilarans convivia Baccho, / Ante fovem, si frigus erit, si messis, in Umbra, / Vinanovum fundam calathis Artusia nectar. Ne plus savoir que dire, et recopier des plus beaux vers de la langue latine, voilà ce qu'il me reste à faire, belle chose en vérité de reprendre des vers de Virgile. Statuam : “je poserai”, ou “la statue” ? (...) Le sens à cache-cache comme la lune à travers les nuages...
De bien beaux vers quand Valéry traduit. Bina ne dit rien de plus que deux. “C'est une paire de coupes en tout, une coupe sur chaque autel.” Mais quattuor aras ? Je suis dans les affres du “premier traducteur” ; les notes sur Valerius Flaccus tiennent plusieurs dizaines de pages à la fin de chaque volume. D'où maints règlements de compte entre latinistes, d'un siècle à l'autre. Je m'allongerais dans ce cul-de-sac protégé rue Mazaryk, nul ne me retrouverait à deux pas de chez moi. Ce serait un beau rêve, tandis que tous me chercheraient à St-Flour - “olivem ne se rencontre qu'en poésie. On dépose de l'huile et du lait sur l'autel : Bois, dieu. Nous mangeons et buvons le nôtre.
C'est ce statuam qui me gêne. On enduit la statue avec deux verres d'huile ? Je ne comprends pas. Baccho pour vino, fréquent en poésie, comme Ceres pour frumentum, etc. Je pense en cet instant à la clameur dont retentit la Normandie, de tous les véhicules parisiens convergeant les dimanches soirs vers la capitale, de Dieppe, Lisieux, Orbec... la campagne hurlant à l'infini au crépuscule... Qui représente cet hilarans ? “...que ce soit le froid, la moisson...” - “allusion à ces fêtes de Bacchus qui se célébraient à l'automne, quand il faisait froid déjà, si frigus, et aux Ambarvia, fête mobile qui finit par se fixer au 29 mai, un peu avant la moisson, si messis. Mais la campagne est moche, Virgile, on y transpire, on y pue, on tremble sous ses préjugés... la campagne, c'est Maupassant...