Montaigne fut rarement cet homme-là, mais se trouve intimement mêlé à l'histoire de son temps, et au plus haut niveau. L'ouvrage de Lacouture épouse exactement l'ordre chronologique. Nous apprenons d'étranges choses. Que Montaigne en sa jeunesse ne dédaignait pas de trousser les cotillons des jeunes paysannes sur les bords des ruisseaux ; que sa petite taille et peut-être une certaine inconduite à Paris l'empêchèrent de courir la carrière militaire ; qu'il fut parlementaire à Bordeaux, ce qui le mêla aux confusions du temps : conf:lit entre le roi et ses magistrats de Guyenne, qui regrettaient peut-être la domination anglaise de jadis, plus souple et plus lointaine. Et l'on verra que notre philosophe a tenu en son jeune âge des propos aussi véhéments que confus, en faveur de l'autorité monarchique française et catholique ; l''essentiel en cette occurrence était apparemment de faire le plus de bruit possible.
Le tout sous le patronage de M. de Foix-Candaule, châtelain voisin, aujourd'hui complètement oublié, mais sans la protection duquel Montaigne fût resté fils de hobereau douteux, dont la noblesse remontait à peine à l'arrière-grand-père. Et c'est de proche en proche, grâce à d'excellentes dispositions sociales, comme d'habitude, que Montaigne en vint à fréquenter les plus grands, y compris dans la capitale.