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VOCATION DE PRETRE (49)
C'est une bien belle église que celle de GVIGNICOVRT. Enfant, bigot, bien gominé, j'escaladais par le talus d'abside la pente glissante et couverte de ronces d'où tombait, pressé, impérieux, du clocher, le premier coup de la messe (50) . J'ai dérapé dans mes souliers dominicaux, serrant dans le poing une image pieuse où l'on avait cousu en scapulaire un coupon véritable de la robe de Marie. J'ai prié, pesté contre la boue, l'âme pure et les pieds sales. Franchissant enfin le porche, qu'il m'aurait suffi de découvrir en contournant le bâtiment d'église, par la grande entrée, comme tout le monde, je constatai que pas un paroissien ne s'était encore présenté.
Déçu de leur tiédeur, fier de mon épreuve, premier de l'assemblée, j'ai attendu, à la fin de l'office, le prêtre dans la sacristie. Les enfants de chœur troussaient par-dessus tête leurs soutanelles rouges à dentelles douteuses sans mesurer un seul instant l'honneur insigne qu'ils avaient eu de côtoyer le Seigneur-même. A l'homme de Dieu j'ai déclaré « Je veux devenir prêtre » Or loin de s'extasier, ("Voyez ce jeune garçon ! il n'est pas comme vous ! il sera prêtre !") il ronchonna je ne sais quoi sur les petits merdeux. (51)
Notes
(49) Digression sur le catholicisme. L'auteur, en mal de références, donne ici uen version abrégée d'un souvenir d'enfance authentique (le souvenir, pas l'enfance. )
(50) L'enfant ne s'est pas aperçu que le véritable porche de l'église se situait de l'autre côté, à l'endroit...
(51) Il fallait bien caser ce souvenir-là quelque part.
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MAMEREENDELEGATION(52)
Ilmerevintderacheterlespleursdemamère:toutejeuneàGVIGNICOVRT,privéeensontempsdesfunéraillesdesapropremère(« Tun'iraspasàl'enterrementdecettetraînée »)(53)
(premieroracledeGaston-Dragon)mamèreAlcmènefutdéléguéeenrattrapageauxinhumationparoissiales,représentantlafamille.Unjour(54)cefutsonpropretour(ou« MAMEREENREPRESENTATION »)(55)etjemesuisplacélelendemainàcetendroitprécisoùvacillaitlaveille(56),perchésursestréteaux,lecercueilpleind'elleafind'yflairercetteamorcedemacération-
querigoureusementmamère
m'interditdenommerici – (57)
desournoisedécongélation(visaged'unrosemalsain[ilmanqueunboutd'oreille-chuchotaitmafilleépouvantée(58)-papa,regarde])mamèretoutentièredrapéedanslarobedechambreplaquéesurseschairssuspectes – volumeabstrait(59)suspendudésormaisà120cm
dusoloùj'aisentiscelendemain,physiquement,lavibrationd'unemassedechênevernifantômedontmonpèrel'instituteurm'avaitjadistransmisladénominationmagique:parallépipèderectangle.Mamèredésira-desobsèquesreligieuses:"Sinousn'attendionspas »disaitleprêtre« larésurrection,àcoupsûrnousneserionspasiciréunis"-c'étaitbienlàuneréponseàcettefacondedemonpèrequicabotinasansdoute(60):"JenecroispasàtoutesceshistoiresdeRésurrection,deBonDieu,dejJugement"-dutonfarauddeceluiquisuçalelaitsûridel'EcoleNormaleetrépublicaine.Aquionnelafaitpas.Surlecorpsdemamèreleprêtreagitalegoupillon,etcefuttout.(61)
Notes
(52)Leplandel'ouvrageconsisteenuncheminementsinueux;ici,l'auteurveutmontrercombienilétaitdifficiled'appréhenderlecaractèredépressifdesamère.
(53)Biensesouvenirquecetteépouseindigneavaittrompésonmaritandisqu'ilcombattaitsurlefront.
(54) Beaucoup plus tard, le 2 août 1984.
(55) Elle représentait, dans le rôle principal, et bien malgré elle, son propre enterrement
(56) Et non pas « la vieille », humour.
(57) Brassens, évidemment...
(58) Ma propre fille, que je croyais ainsi éduquer à la mort, me reprocha plus tard de lui avoir imposé cette épreuve bien trop tôt (elle n'avait que onze ans).
(59) Je reviens désormais au lendemain de l'enterrement, où je suis revenu, à la même heure, devant l'autel, à l'endroit précis où avait été déposé le cercueil de maman.
(60) Lors de l'entretien supposé qu'il eut avec le prêtre pour définir les modalités de la cérémonie.
(61) Paragraphe particulièrement difficile à suivre, en raison du glissement perpétuel entre le jour de l'enterrement, la veille de celui-ci (où peut-être mon père s'est entretenu avec un prêtre ) (mais je ne le pense pas), et le lendemain, où moi-même suis revenu sur les lieux ; j'y ai ressenti d'étranges phénomènes, peu perceptibles, ici amplifiés.