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Pourriture fraîche !

 

L'Archipel du Goulag de Soljenitsyne se divise en au moins quatre parties. C'est un ouvrage colossal, souvent remis à jour par d'incessants rajouts de l'auteur, et la traduction en fut remaniée par Geneviève Johannet dans l'épais volume que j'ai lu, chez Fayard. Ce livre de plus de 600 pages comporte les parties trois et quatre, dont la dernière s'intitule L'extermination par le travail. Comme tout témoignage anticommuniste, il a reçu ses paquets de crachats négationnistes, car il ne fallait pas "désespérer Billancourt" ; la méthode consiste en particulier, tout le monde le sait, à décrédibiliser le témoin quand son témoignage dérange fortement. Pour Soljenitsyne, ce fut facile : partisan des tsars et de la Sainte Russie, bigot, plus ou moins partisan du panslavisme qui est l'extension de sa patrie aux frontières de l'Europe jusqu'à Brest (Bretagne, pas Litovsk), et pour couronner le tout, une belle tare antisémite.

De même, l'héroïque BHL, après Jean Cau (secrétaire de Sartre je rappelle), fut et reste couvert de sarcasmes pour avoir dénoncé l'attitude d'une certaine gauche, bien prompte à se coucher au pied des Castro, Guevara, et autres fusilleurs de vermine, esos gusanos, "ces asticots", comme disait le Che, qui trône sur les t-shirts. Mais nous voudrions liquider justement ces querelles convenues, où chacun sait quelle sera la réplique de l'adversaire dans les studios de la télévision. Véritable scène de ménage interpartisane, où tous les arguments sont rebattus. Nous partirons du principe que tout est vrai, parce que tout se tient, pas une fausse note pour ternir la reluisante impression que nous avons sur l'humanité : tout le monde triche, tout le monde est salaud, même ceux qui veulent sauver le monde.

L'âme humaine est vile, et certains voudraient racheter ce grouillement où nous pourrissons, mais régulièrement se cassent la gueule, soit qu'ils se corrompent à leur tour, soit qu'ils finissent mal comme le Christ. Ou alors, comme le Bouddha, ils triomphent, mais le mal continue à triompher sur le globe, et les chiens à se faire battre pour que leurs forces passent dans les steacks bouffés par les Chinetoques. Que reste-t-il à faire ? Se prosterner, en implorant la pitié de Dieu envers nous, pauvres poussières crottineuses, qu'il a pourtant créées ainsi ? Un Dieu d'ailleurs tout aussi féroce ? Autre impasse. L'idéologie se casse la gueule devant ces cas extrêmes de cruauté, la métaphysique botte en touche, reste l'humanité au noble sens du terme, qui s'appelle aussi vérité des faits, et sentiment ineffaçable de la justice, autres clichés, mais sympathiques.

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Le masque.JPG

Nous ne parlons pas de la vérité des interprétations, mais de la vérité des faits : oui ou non, des camps existaient-ils déjà sous Lénine ? Réponse : oui. Est-ce qu'on a ligoté des hommes vivants sur des troncs d'arbres coupés, pour les précipiter dans un escalier de plusieurs centaines de marches ? Réponse oui, on avait de l'humour dans les camps. Est-ce qu'on y emprisonnait des enfants ? Oui. Est-ce qu'on allait dans un camp pour avoir jeté négligemment sa veste sur un clou, en recouvrant par mégarde le portrait de Joseph Staline ? Oui, oui, oui. Et tous ces lieux de détention, tous ces motifs futiles d'incarcération, se sont propagés comme autant de métastases, d'îlots en archipels, en chaînes de ganglions putrides.


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