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Quelques sottises, mais sur Paul Celan, tout de même...

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J'en demande bien pardon aux admirateurs de Paul Celan, aux germanisants de toute espèce et aux germanophones ici à l'écoute, en vacances ou résidents, mais les petites considérations que je vais exposer sur ce grand poète ne seront pas à la hauteur de leurs espérances. D'une part, ma connaissance relative de la langue allemande, suffisante pour faire du tourisme, ne saurait pénétrer les intentions ni les subtiles harmoniques d'un poète difficilement accessible pour les germanistes confirmés ; d'autre part, je sais reconnaître d'en bas la magnificence des sommets enneigés, mais je ne suis pas taillé pour les escalader, ce qui est me répéter en d'autres termes. Cependant, l'ouvrage de M. Nouss, publié au Bord de l'Eau, m'a permis d'entrevoir quelques pistes d'exploration, et m'a encouragé à lire cet auteur.Tartouillade photographique.JPG

Plutôt que d'explorer son choix de poèmes, approuvé par lui-même, et dont il supervisa je crois la traduction ou plutôt la transposition, j'ai choisi le recueil Atemwende, que Jean-Pierre Lefebvre avec un b appelle en français "Renverse du souffle", se référant à cette inversion subite du piston dans la machine à vapeur, qui entraîne marche arrière ou du moins freinage ; en même temps, il faudrait sous-entendre un second souffle, au moyen d'un retour vivifiant sur le passé. Passé chargé pour Paul Celan, dont les parents disparurent dans la fumée juive à la fin de la guerre (c'était en Bukovine, de l'autre côté du Dniestr). D'origine judéo-roumaine donc, mais germanophone. L'ineffable regret de ce qui aurait pu être se manifeste par tout un système de métaphores et d'associations musicales très difficiles à rendre en une autre langue : impossible de restituer ce qui reste si propre à la langue allemande. Et qui veut rendre hommage à Paul Celan (C-e-l-a-n, il tenait à l'absence d'accent et à la prononciation archaïque française) doit le lire, au micro, dans sa langue originelle. Rien de ce qui est dit ne doit y être pris au pied de la lettre ; d'abord, existe ce sens premier, raboteux, mystérieux, aux accouplements inquiétants (je n'ose dire "surréalistes", ce qui serait une fausse piste sur un terme souvent galvaudé). Le traducteur doit maintenit le rythme, la sonorité, la mélodie heurtée d'ensemble, et tâcher de transposer les sous-entendus allemands en sous-entendus français, lesquels sont différents.

Un message cependant franchit les barrières linguistique : le verbe "stehen", qui veut dire "se tenir, se maintenir debout". Ne jamais se laisser gagner par l'horreur mélancolique, par le froid de l'exil, de la disparition (celle des parents, effacement ineffaçable), de la négation, de l'annihilation, Vernichtung, négation du ich, du je. La forme est celle de courts poèmes à vers très brefs, coupés parfois au sein d'un mot, usant abondammen du procédé typiquement germanique des mots composés, jamais tout à fait ceux qu'on attendait, les contenant pourtant en filigrane, emportant vers d'autres suggestions, en un brouillage mystérieux, inquiétant, bouleversant, rassurant parfois : par la sculpture de chaque mot le poète réaffirme sa volonté de tenir bon, sans se masquer la moindre des angoisses, des menaces ou anéantissements d'un passé toujours vécu. Celan confiait à son épouse qu'il était particulièrement satisfait pour Atemwende de son travail d'ouvrier, de ferronnier du mot. Primo Levi trouve sa tentative trop difficile, trop abstruse pour se livrer, pour délivrer un message de paix.

Mais ôtez la difficulté, il n'y a rien.


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