Quantcast
Channel: der grüne Affe
Viewing all articles
Browse latest Browse all 1402

Hommage à Coste, écrivain de La Ciotat

$
0
0

  1. Avant la clarté, car perceptible dès les premières lignes, la caractéristique de cette biographie de Victoret Guingois (et d'autres avec lui) est cette apparente bonhomie : apparemment il n'y a pas grand-chose à raconter, ces existences provinciales sont bien paisibles, il n'y a ni naufrages ni suicides, et l'auteur considère ses personnages avec distance : des gens comme vous et moi, semble-t-il nous dire ; mais qui n'en sont pas moins intéressants, par la façon qu'ils ont d'être plantés et croqués, la tante Angélique par exemple, veuve d'un bijoutier arménien immigré, celle qui aime tant se faire masser la nuque et les bourrelets par Victorien en toute innocence (pour ce dernier). Attachants aussi par la manière dont ils sont considérés : un mélange d'intérêt et de pudeur,

  1. de discrétion précise et de délicatesse, qui s'appelle la courtoisie. Ces gens simples ici évoqués connaissent les subtilités de sentiments, déceptions, joies intenses, sens du compromis, du sacrifice, voire de l'abnégation. Victoret ne devient pas un saint, il use même de procédés tant soit peu retors, ou habiles comme on voudra, pour enfin épouser celle qu'il n'a cessé d'aimer comme on dit. Les personnages d'autre part évoluent en conformité avec les données initiales fournies par l'auteur, mais ne sont pas exempts de revirements inattendus, voire de retournements de vestes, les affections se retrouvent indifférences, puis plats d'amitié réchauffée sur le fourneau des intérêts communs, ce qui donne un excellent gratin.

  2. Subtilité psychologique donc. Nous trouvons des personnages originaux traités comme s'ils ne l'étaient pas, des choses graves racontées avec légèreté, de l'humour même aux endroits cruels, le tout tempéré par un sentiment que j'appellerais volontiers de fatalisme méditerranéen. Je voudrais m'aventurer à parler ici de quatrième degré : le premier, ce sont les faits, qui seraient plats, sans intérêt particulier : des gens comme les autres, pas plus, mais pas moins. Le deuxième, c'est l'ironie : un vague ridicule nimbe tant soit peu tous les personnages, les situations flirtent toujours avec le burlesque et l'attendrissant. Le troisième degré, c'est que malgré la distance du deuxième, le lecteur ressent la sympathie et la tendresse contagieuses de l'auteur pour tous, femmes bêtes, personnages secondaires, parents pusillanimes. Et comme là-dessus s'ajoute encore une distance finale, de type littéraire cette fois, nous arrivons au quatrième degré.

    Je n'irai pas plus loin, n'étant pas Gotlib qui pousse au 17e degré. Mais il faut insister sur ce style faussement académique et distant, parfois traversé de populismes ou d'expressions locales, que l'on imagine toujours plus ou moins avec la voix du grand Fernandel Contandin ; des passés simples, des imparfaits du subjonctif, mais pas partout, juste pour relever d'une pointe de distanciation une situation un peu trop sentimentale, ou enfoncer le clou du comique. L'auteur est toujours en train de se regarder écrire : appelons cela une conscience d'écrivain. Une pudeur. Un scrupule. Une façon de ne jamais tout à fait se prendre au sérieux, aboutissant, finalement, à une certaine gravité, presque tragique dans certains épisodes.

    Nous aurons donc parcouru soixante-dix ans d'une vie ordinaire et extraordinaire, comme celles de la majorité d'entre nous – comme dit Giono : « Ni heureux, ni malheureux ;

  1. « Il alla contempler la mer, cette immensité d'eau salée qu'ii jugea vraiment inutile. Elle ne pouvait servir ni à boire ni à arroser... une vraie calamité occupant un espace qui aurait été plus utile pour diverses plantations. A la rigueur, on en tirait du sel – qu'on trouve aussi enfoui dans le sol – et évidemment des poissons qui constituent une nourriture difficile à apprécier tant les « épines » à la place des os rendent leur consommation extrêmement périlleuse".

    ILLUSTRATION  : Le Bec d'Aigle, à La Ciotat

    Rambarde et Bec d'Aigle.JPG

  2. la vie. » Le tout restituant la saveur douce-amère d'une existence promise à de grandes destinées (or les meilleurs d'entre nous y croient), puis se déroulant, de compromis en compromis, dans une atmosphère nuancée : l'auteur capte tout ce qu'il peut ; il rend parfaitement le naturel de la vie, son gris, ses couleurs, sa sensualité. Il se dégage de tout cela une sagesse souriante, qui n'oublie pas les blessures et les épanchements de poisons sous les surfaces, mais qui évite avec une grande habileté la rancune, la méchanceté, le fiel, le nihilisme où certains se complaisent, mais réfléchissez : ils ne peuvent pas faire autrement, les pauvres.

    Marcel Coste, lui, dans ce roman, sous-titré « saga sudiste », a mis en œuvre une sagesse qui n'a pas été toujours facile à mettre en place... Nous allons lire ensemble un petit portrait en action : celui de Marino Marini. « Avant de reprendre le train pour Avignon puis le car « La Flèche vauclusienne » pour Carpentras, il [Marino Marini, chauffeur dudit bus] s'octroya, sans avis médical, une journée de détente en se déclarant guéri. Il avait vu dans ce monstrueux hôpital tant de miséreux à la limite de l'agonie qu'il ne pouvait être des leurs.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 1402

Trending Articles