...entre des oncles, des tantes et des pensions multiples... que serais-je devenu s'il m'eût été accordé de n'avoir point de parents, libre ? L'état d'enfant non orphelin ressemble au mariage : quand on y est, on veut en sortir ; n'y est-on pas, on veut y entrer. Ainsi dit le proverbe. [Pérec] est fasciné par l'univers bien réglementé du sport . Comment peut-on être si radicalement, si scandaleusement différent de moi ? Voici deux anecdotes – non, je ne peux me résoudre à mouliner ça - d'où il appert quelle laide chose c'est que le sport : 1) « Si tu me prends ce ballon p'tit con j'te pète un tibia » 2) trois énergumènes se bousculent devant ma femme pour l'empêcher, dans leur propre équipe, de renvoyer le ballon, ce que j'ai ressenti comme un injure personnelle.
Ignoble. Mon incapacité à apprendre quelque règle de modification de comportement que ce soit. Juste celles d'un jeu, à condition qu'on me les explique, et qu'on me donne le droit, nom de Dieu, de perdre, fût-ce en faisant perdre l' « équipe ». « L'équipe » : la plus laide conception qui se puisse imaginer, où chacun joue essentiellement contre celui qui risque de faire perdre l'équipe. La loi du plus fort dans toute son amplitude, dans toute sa brutalité : t'es pas le meilleur, t'es rien. Salauds de sportifs, mentalités d'abrutis, la fin de toute sensibilité, sauf l'exaltation bestiale si tu as gagné, et l'horrible défaite dont tout le monde se détourne.Si je la remâche, moi, ma défaite, jusqu'à l'envie de crever ?...
Le sport est le degré zéro de l'humanisme, le triomphe de la barbarie totalitaire et du robotisme. Pérec a tout compris, lui : c'est sain, le sport. C'est plein de camaraderie. “Jusqu'au jour où il lit dans L'Univers concentrationnaire de David Rousset » - suspense - Perec va donc rencontrer quelqu'un dont l'influence sera décisive - comme dans « Détective » : « soudain, sa vie a basculé ». Mon basculement, c'était L'Amour et l'Occident, première édition 1938, dont j'espère que Denis de Rougement l'a retouchée après 1945. Plus je vais, plus je sais qu'il n'y a qu'une seule femme, qu'un seul livre. Loin du sport. Alors, que lit-il, Perec ? La structure des camps de répression est commandée par deux orientations fondamentales : pas de travail, du « sport », une dérision de nourriture. Et voilà.
Car tout de même il est mort du cancer du fumeur, ce Perec, à 47 ans. C'est incompatible avec le sport, ça. Tous ces gens chaleureux... Ce qu'il m'énervent... M'exaspérèquent... Le caractère obsessionnel de l'art de Perec - eh bien, Monsieur le Commentateur ? ...On botte en touche ? On ne nous dit pas ce qu'est devenue l'admiration du sport chez Benjamin P. ? On recommence à mouliner ses petits commentaires de machine à coudre pour préparation à l'agrèg ? ...s'enracine dans le besoin qu'avait l'enfant d'un monde en ordre» : le sport, un « ordre » ? Ordre Nouveau ! Non. L'ordre, le vrai, la Démocratie, c'est le code de la route. Tu t'appelles Perec, Collignon ; tu es amiral, ouvrier ; t'en as une grosse, une petite vieille, ici, c'est priorité à droite point barre. Le code de la route comme les Droits de l'Homme. Homo automobilis. Avec des infractions : la mort, l'hémiplégie, la blessure - on ne triche pas avec le Code. ...Perec c'est le Sport. Pour être, besoin d'étai . Le sport n'est pas un étai. Juste la loi du plus brute. Au rugby, celui qui fonce et casse la gueule à tout le monde marque son essai ; mais sur la route, la grosse brute finit la tête dans le poteau de ciment, bien éclatée.
Un con de moins. Il ne me plaît pas Perec. Pas lui, mais tout ce consensus sur le « génie », sans le moindre point faible. Les « jeux » littéraires de l'écrivain sont alors la seule réponse possible - minute, minute : c'est quoi, ce raccourci d'explication sauce potache ? Moi j'aurais plutôt vu ça comme un risque de desséchement, à la matheuse, car les matheux sont des négateurs de littérature, qui la réduisent à un assemblage de petites mécaniques qui tournent, qui tournent, qui tournent...