- Hitler sera-t-il sauvé ? Vous sursautez.
Retour à Maimonide – De la tentation
(Femme et volutes, d'Anne Jalevski)
Or (voici la tentation) le Juif Maimonide (1135-1204) suggère que seuls les hommes qui se sont livrés à une démarche d'ordre intellectuel seraient, sont en état d'accéder à la Miséricorde de Dieu, qui est de conserver leur conscience, par les siècles des siècles - ce à quoi j'adhère à toute force, moi Bernard C. fils de Noubrozi, moi qui suis entré en sixième, contre précisément l'ineptie de mon saint patron Bernard de Clairvaux (Aliquid invenies in arboribus majoris quam in omnibus philosophorum operibus, "Tu trouveras plus dans les arbres que dans toutes les oeuvres des philosophes", qui justifia tant d'obscurantismes, tant de fanatismes, “homo saccum excrementium”, “l'homme est un sac à merde” - “Inter urinam et faeces nascimur”, “nous naissons entre la pisse et la merde”).
Il ne s'agit donc pas ici des sorbonnards et sorbonnicoles, mais des Intellos au sens actuel du mot ; “celui qui se livre à un travail, à une recherche intellectuels”. Sans être nécessairement cuistre, monstre de prétention ou de mandarinat. Moi. Ecrivain, prof, toute cette sorte de choses. N'aurais-je donc aucun droit, aucune dignité supplémentaire ni supérieure consistance que n'importe laquelle de ces loques que je côtoie, qui me côtoient, qui m'ignorent autant que je les ignore, et que j'appelle "humanité de remplissage" qui plus est sans diplômes, sans “démarche intellectuelle”, se peut-il que je n'aie pas plus de mérites, que je ne mérite pas plus qu'eux d'être sauvé ?
...Qu'ils ne le méritent pas moins ? ...Se peut-il que l'autre monde ne soit qu'une contradiction de notre vie de chair, et à quoi bon nous avoir tous affublés de ces innombrables oripeaux (éventuellement) de la misère et de la Grande Culture ici-bas s'il suffit de mourir pour revêtir de toute éternité, par droit naturel et de plein droit, cette chape de lumière ? Le peuple, la plèbe, la populace, sera, seront sauvé(s) dans la mesure exacte où elle aura été sans instruction – vrai ou faux ?
Objections. Réponses aux objections – solvuntur objecta
(Dernier assaut ; dans le désordre)
...L'Homme doit-il se contenter de cette entourloupe cabbalistique, selon laquelle la Rigueur de Dieu est ce qui permet au monde matériel d'exister ? ...car s'il n'y avait que sa Grâce, le monde n'aurait pas lieu d'être, mais serait tout en Lui et non séparé de Lui ? - voir dans quelle mesure la Cabbale n'apporte pas de solution encore supérieure aux solutions chrétiennes, sans avoir besoin de ce mythe pesant appelé “Christ”, dont le caractère inimaginablement encombrant (d'aucuns disent “imposteur” (“le Christ n'a pas existé”) plombe irrémédiablement, coule, coule bas, tout ce que Péguy peut bien échafauder sur son hypothétique personne. Jamais un Jésus ne m'aura convaincu. L'Incarnation n'est pour l'incroyant qu'une séduisante spéciosité. Le Messie entourloupe. Puisqu'il n'a pas, n'a pas pu exister. En tout cas pas comme “Fils de Dieu”, à moins que je ne sois, moi aussi, Fils de Dieu. Les Textes ne le présentent-ils pas d'ailleurs comme “Fils de l”Homme” - l'homme a créé Dieu à son image... “Des Christs par milliers”...
Alors que le Messie, l'Homme Parfait, peut à la rigueur se concevoir. Mais un Dieu qui se fait Homme : n'importe quoi ! Dans sa grandiose, puérile et pathétique lettre à Un nouveau théologien, Monsieur Laudet, s'affirme le plus maladroitement possible la foi la plus naïve. Péguy en est à brandir le catéchisme de son enfance, avec citation de la page, pour démontrer sa foi. <La seule véritable rédemption est-elle ce trépignement désespéré, ce mantra qu'on appelle littérature> [passage rayé, puis surchargé] - pénibles pataugements, pathétiques trépignements de grenouille de bénitier, un mot que les gardiens du temple péguyssien, supposé qu'ils me lisent, ne me pardonneront pas