Le troisième amour, Flora, fut toute ma vie mon “cabinet fantôme”, le dernier recours, et je sais le dépit de Lazarus d'avoir appris ma fidélité d'esprit avec elle ; tant d'autres sont passés par elle avant d'être jetés ! “Tu n'as pas été le premier, ni le dernier !” Si, justement.
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Un autre jour Lazarus m'aperçoit sur les marches depuis sa voiture : il se rend à la réunion mensuelle de la Ligue - dois-je vraiment faire de lui le traître de la farce ? Il aurait pris une autre fois en charge Djanem et telle autre connaissance ; Djanem alors se serait confiée à cette inconnue, sur son mari, sur moi... « Une seule fois! » proteste-t-elle. Une fois de trop.
X J'ai tenté une fausse piste avec Elena la Mexicaine ; mais burlesquement, je me suis laissé surprendre en compagnie de mon épouse légitime.
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Quelqu'un peut-il me dire ce que je cherche. Mon ami G. aux prises avec sa femme folle, qui a rendu leur fils parfaitement fou. Quelqu'un peut-il me dire de quoi je parle. Où est la vanité... - vérité... - vanité. Telle autre dépense tout l'argent du ménage en faramineuses bagatelles : ne suis-je pas bien plus à l'aise avec ma dépressive chronique, et, en définitive, que pourrais-je bien gagner au change ?
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R. 48
Ils procèdent comme suit : Nils reste sous elle, poteau solide. Les femmes, parfaitement, Lazarus ! sont redevenues aussi connes que naguère, exigeant de leurs amants une perfection impossible. Si bien qu'ils se rabattent tous sur les bordels. Bravo la solidarité sociale féminine. De plus, leur abstinence, toujours soigneusement calculée, ce rejet du sexe par raisonnement raisonnable, leur permet de jouer les innocentes : « Tu comprends, c'est plus facile pour moi si on ne va pas jusqu'au bout. » Tu comprends : la formule typique, l'invincible sésame ouvrant à deux battants le portail manipulateur de l'enculage – et moi, qui me comprend ? Personne. Donc, ne jamais dire « Tu comprends », ne jamais permettre qu'on vous le serve, surtout pas une femme, qui ne comprend que son intérêt : baiser quand elle le veut, ne pas baiser quand elle ne le veut pas. Cette claire alternative est interdite aux hommes, parce qu'ils le veulent de toute façon : leur désir est plus fort, il est constant. Ils doivent penser : « Cause toujours, je t'aurai ». L'homme ne refuse de baiser que par orgueil. Mais sa bite le veut toujours. Je parle des jeunes et belles femmes. L'étiolement de ma misogynie me semble d'ailleurs en relation directe avec une forte diminution de testostérone. Le but de la femme est, a toujours été, de faire baisser la production, le taux de testostérone chez l'homme, afin qu'il ne bande plus que lorsqu'elle le veut. Qu'elles aillent chier.
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Déclarations d'amour, me dit-elle, désespérées, du mari délaissé ; est-ce vrai ? Je n'ai jamais vu ce mari : trois ou quatre fois. Mais il me plaît de l'imaginer fruste et couillon, de le refaçonner : il intercepte nos messages sur écran : « Viens, dit-il, on va les écouter ensemble ». Réflexe de rustre, besoin prolétaire d'humiliation, de primitive férocité. Tantôt je crois cette femme, tantôt non, en fonction de ma commodité. Dans cette proposition malsaine qu' elle me rapporte, je reconnais la vérité telle que je la souhaite : la plongée dans le prolétariat recèle toujours de semblables concrétions de vomissures - en vérié, du vomi fossile. Henam refuse l'humiliation qui lui est proposée.
Alternent alors chez le prolo chimpanzé crises d'insultes (“salope”, “sac à foutre” - je m'indigne à bon droit ; mais aussi bien à bon marché – est-ce vrai, là encore) - et déclarations enflammées. Ivrogne et rudimentaire : aucun travail sur soi, aucun recul. « Les rêves, c'est de la connerie ». Tel est mon homme, tel est mon rival ; de telles affirmations relèvent pour moi du plus profond mépris. Il faut en effet des années de patientes observations, de douteuses déductions, pour parvenir à rendre les rêves tant soit peu translucides. Il ne servirait de rien de vouloir convaincre, enseigner, tenter une conversion sur un tel matériau. Djanem partage, hélas ! les inepties de son compagnon de classe culturelle. On ne doit jamais, selon X et Lazarus, parler de l'autre ; du rival. De celui qui est déjà là. Qu'il s'agit de détrôner. Momentanément. Ou partiellement. Pour toujours, si l'amour l'exige. Aujourd'hui, je m'interroge sur la proportion de comédie, d'affabulation, qui entre dans tout cela.
De chantage. Et Lazarus, dans l'ombre, compte les coups. Djanem veut me faire croire que Nils la brutalise (« Fais-lui croire que... ») - bizarre ! le violent pinçon sur la joue - « Regarde ! là ! » - disparu. Elle dit aussi : « Je veux te révéler à toi-même. » Comme les autres. Il est en vérité affligeant de voir le nombre de ceux, ou de celles, qui veulent absolument vous révéler ce que vous êtes vraiment ; plus stupéfiant encore, le nombre de ceux qui le croient. Tant est puissant l'attrait du miroir, et l'espoir toujours déçu d'y modifier son image. Mais il n'y a que toi, imbécile, qui puisse connaître ton visage. Tel que tu l'as conçu et maquillé. Celui de toi qu'en ont les autres ne sert qu'aux autres, pour les aider à s'y retrouver.
Il faudrait ne jamais tenir compte de ce que voient les autres ; mais si c'est ta destinée de t'en préoccuper, deviens comédien, pitre ou clown.
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Le mode d'expression spécifique de Lazarus est l'humiliation. C'est lui qui représente à la perception la tyrannie du regard de l'autre. Celui qui, selon Sartre et ses innombrables sectateurs, vous façonne et vous dit votre vérité. Cet Autre dont les magazines bien pensants nous rebattent les oreilles chaque fois que la presse révèle un massacre d'origine immigrée : pauvres victimes postcoloniales !
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Femmes, premier jet
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