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Amours et gaffes

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J'ai donné à Djanem une leçon en compagnie de son époux, Nils, qui m'écouta jusqu'au bout, attentif, amusé. Elle se tournait vers lui avant de répondre. “Ce n'est pas lui qu'il faut regarder, mais moi”. Elle m'apprit ensuite l'ivrognerie de ce mari, ainsi que son entière “gentillesse” : impossible d'en tirer autre chose. Mais pressée de questions, elle finit par m'avouer

Le joueur de luth.JPG

 

 

qu'il s'enivrait rarement, que très peu d'alcool suffisait à le mettre hors d'usage, et qu'elle s'exerçait à le détester pour mieux partir avec moi. Quelle maîtrise ! De même, je prenais Nils pour un inculte : elle m'en fit doucement le reproche, affirmant qu'il avait une culture, non pas livresque, mais télévisuelle ; pour se rendre à Bozel il avait emprunté un roman japonais d'aujourd'hui.

 

Djanem, je te voulais pour infirmière, à temps partiel, pas pour compagne de vie. Juste pour te regader, te prendre très fort dans mes bras, te faire jouir et jouir, à condition que tu te rhabilles et repartes, car nous n'avons rien à nous dire, ni intérêts communs. Rien de cela ne correspond à la définition d' « amour ».

 

Nils est parvenu à faire pleurer ma Djanem, à lui arracher d'autres serments. Elle a rejuré. Promis. Défendre ce mari ? renoncer à la vie commune ? Car, lui, il repartirait. Il se soûlerait dans tous les fossés. Il préfèrera crier, harceler tout son soûl, mais il ne partira jamais, Djanem et moi différons sur ce point, du tout au tout. Je suis tombé : sur un couple qui se parle, qui fait de temps en temps le point sur ses amours, c'est-à-dire, selon Marie-Claire et tous les spécialistes, un couple qui s'aime.

 

 

 

R. 40

 

Première en Date et moi, nous ne le faisons plus. Nous pensons à tort nous être tout dit. Nous savons tous deux sur quel champ de mines ou de déchets nous campons : il ne faut plus bouger, crainte de voir affleurer les veines nucléidaires aux premiers sarclages. Naguère encore, Nils laissait sa femme libre : emplettes, escapades, cinéma. Je soupçonne à quel point Djanem a pu en profiter. A présent, il veille comme un Bartholo. Nils n'est pas jaloux de moi, mais d'elle : autrement dit, possessif plus que jaloux. Je le trouve plus fin dans ses déductions que je ne l'aurais cru. Mais je n'ai pas en tête d'exemple précis.

 

 

 

X

 

 

 

Tous les épisodes de ma vie se dégradent en littérature. A la brasserie St-Malo face à l'abbatiale, d'abord nous nous disions vous : le petit chat exprès lâché sur l'autoroute, le premier mari révoltant. Il l'a trompée lorsqu'elle était enceinte, elle en avorta : « Je ne sais pourquoi je vous dis tout cela. » Pourquoi aurait-elle menti à ce moment-là ? Nos mains s'effleurent. Je m'étonne en moi-même de cet effet que je produis. Pendant notre seule et première projection de cinéma, ses ongles me raclaient tendrement la paume, et je grattais sa saignée. Le film parlait d'un crime dans les Pyrénées, avec Sabine Azéma et Dussolier : assez bien, sans plus, mais nous étions occupés d'autres choses dans le cœur. Il est vai que je suis définitivement tiède. Enfant déjà je m'indignais que toutes les chansons parlent d'amour. Je ne comprenais pas pourquoi, dans L'appel de la forêt, tel homme et telle femme ne pouvaient se séparer malgré toutes leurs différences, alors qu'ils s'aimaient : je ne parvenais pas à m'expliquer leur obstination à se réunir, alors que rien dans le récit ne le justifiait, alors que leur fadeur mutuelle éclatait à mes yeux aveugles.

 

C'était donc cela ce fameux flirt en salle obscure ? que tous les autres avaient pratiqué bien avant moi, dès leurs quinze ans, comme une chose ordinaire, dont il ne valait pas la peine de parler. Ma seule tentative au cinéma remontait à la fille G., treize ans (j'en avais 16), qui m'avait cruellement pincé à chaque tentative d'approche

 


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