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Les classiques, revisités

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Il estoit une fois un général romain nommé Sertorius. Il était vieux, après avoir été jeune, et borgne, après avoir eu ses deux yeux. Il avait conquis toute une partie de l'Espagne, riche en fer et en Espagnols pour faire la guéguerre auprès des Romains. Il avait auprès de lui une biche blanche, qui lui léchait l'oreille, après quoi le grand homme lui parlait aussi à l'oreille, faisant croire qu'il s'entretenait avec une divinité incarnée, ce qui n'est pas plus con qu'un ongle. Les braves Ibères le croyaient, ce qui prouvent qu'ils étaient nettement plus cons en ce temps-là que maintenant, où ils encensent Aznar.

 

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Brèfle ! Sertorius se croyait un puissant personnage, au point de se sentir comme un roi en Ibérie, et de ne plus guère tenir compte du Sénat de Rome, composé de 300 et quelques membres virils et pourvu d'attributions diplomatiques. On envoya contre lui un des frères Moilnoeud, Pompée, ami de Crassus, Moilnoeud aussi. Mais rien ne put le faire céder, il devint nécessaire de le faire assassiner courageusement pour que force restât à la République romaine, Senatui Populoque Romano. Ça, c 'est de l'histoire, et pour recoller les morceaux, je vous informe que de retour d'Espagne, Pompée le Grand massacra les esclaves qui restaient de la grande révolte de Spartacus – ce qui nous mène à -73, par une température glaciale donc.

Arriva là-dessus le grand Corneille, qui s'y connaissait un chouïa en histoire romaine, ainsi que son public d'ailleurs, en ces années 1640 et quelques. Il pensa que cette intrigue manquait de femmes, et en introduisit deux, en tout bien tout honneur. Aristie, femme de Pompée, en instance de divorce d'avec le même. Et Viriate, reine de Lusitanie, entendez de Portugal, qui n'a jamais existé. En revanche il exista bien un berger de ce nom, qui résista aux envahisseurs un peu plus longtemps que Vercingétorix, et que tous les Espagnols devraient connaître. A partir de là, tout se complique.

Avec ma modestie habituelle, je me demande si vous allez comprendre, parce que moi-même je m'entrave un peu les pédales. Attention : il était deux fois un autre général romain appelé Perpenna, qui n'était pas un père pénard. Il était jaloux de Pompée, parce que ses soldats préféraient le grand Pompée au moyen Perpenna, et s'étaient rangés sous les ordres de Pompée. Perpenna se mit donc à sourire d'un franc sourire hypocrite en coin, et dit : « Vive Pompée ! » avec les autres et après tous les autres. Et puis ne le voilà-t-il pas qu' il tombe amoureux de la reine de Lusitanie, qui est bien belle et bien puissante aussi.

L'ennui est que cette reine, Viriate, est amoureuse de Sertorius, lui apportant contre Rome l'appui de toutes ses troupes portugaises ou lusitaniennes comme il vous plaira. Elle veut l'épouser, mais Sertorius préfère la femme de Pompée, en divorce d'avec ce dernier. Cependant la femme de Pompée, Aristie, est encore amoureuse de son candidat au divorce. Beau chassé-croisé. Sertorius propose Perpenna comme mari à la reine de Lusitanie, qui ne veut pas en entendre parler. Pompée se fend d'une entrevue avec Sertorius, pour le ramener à la raison et à l'obéissance envers Rome, et Sertorius refuse.

Pompée refuse de se remarier avec sa femme, parce que c'est son chef Sylla qui lui a demandé de rompre avec cette dernière. Aristie est blessée dans son amour-propre et l'envoie se faire futuere. Sertorius n'a pas très envie d'épouser Viriate, parce que sinon il se fera zigouiller par son lieutenant Perpenna, par jalousie. Aristie veut bien malgré tout épouser Sertorius, mais Viriate est sa rivale. Putain il faudrait presque un croquis au tableau noir. Surtout que Perpenna fait assassiner Sertorius (un de moins, l'horizon s'éclaircit) et apporte à Pompée des preuves irakiennes de la trahison du méchant Sertorius.

Pompée dans un beau mouvement dramatique refuse de lire les lettres compromettantes en question et les brûle. Puis il fait arrêter et exécuter le méchant Perpenna, reprend sa femme adorée, offre la paix à Viriate qui n'a plus qu'à se consoler avec toute sa garde personnelle, ce qui fait qu'à l'heure où nous sommes elle doit encore s'y coller. Alors vous pensez bien que cette intrigue a suscité les critiques des contemporains eux-mêmes, qui l'ont trouvé plutôt difficile à comprendre, même pour des gens versés en histoire latine. Il y avait là en effet de quoi suffire à plusieurs intrigues, bien que ce ne soit pas la peine d'entasser les péripéties autour de chaque personnage pour le prouver. Corneille se défendit comme d'habitude, mais ne convainquit guère. Les caractères sont incohérents, il n'y a que les femmes qui s'en sortent. Nous avons là déjà un double intérêt, celui de la politique et celui du coeur, passionnant pour certains esprits romanesques et fumeux nostalgiques de la Fronde (une guerre civile où les affaires de coeur commandaient largement les affaires d'Etat, sur le dos du peuple) – mais qui n'offre pour les gens du XXIe siècle qu'un intérêt relatif.


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