On nous dit encore : "L'artiste veut présenter, simplement, les instruments de son travail, afin de mettre à nu l'idée de l'art". Je vais donc me présenter à mon éditeur avec un stylo, une feuille et une reliure, et je vais le prier de m'éditer en grande pompe, et très cher : où est-ce que vous croyez qu'il va m'envoyer, mon éditeur ?
Vous trouvez même des prétendus sculpteurs qui entassent des tas de caillasses. Et de vous dire - je n'invente rien : "Au lieu de sculpter par soustraction, je sculpte par accumulation". Tiens ! je vais écrire par soustraction, moi : que des pages blanches ; puis j'irai trouver mon éditeur, et - voir plus haut...
Ce n'est pas "l'art du temps" qui figure là sur ces murs ; mais l'art qui s'est vendu ; à ce compte-là, virez-moi Van Gogh et Modigliani des musées...
En fait ces gens-là ont évacué tout ce qui fait la force et l'appel de l'art : l'émotion. Ça ne leur plaît pas, ce mot-là. Il faut rester froid, ne rien ressentir, ne pas être dupe, surtout, ne pas être dupe ! pour faire "moderne" ! encore une fois, l'avant-garde de grand-papa. Il ne faut pas que les œuvres puissent dégager autre chose que l'ennui le plus pesant, l'indifférence, le ricanement blasé !
Et pendant ce temps-là, des artistes, des vrais, qui ont le sens de l'effort, qui voient plus loin que le coup d'éclat stérile de l'éjaculation précoce, crèvent la dalle et se shootent au Prozac au milieu de leurs tableaux que personne ne veut, refusés de partout sous prétexte qu'ils respectent la forme, la ligne, la couleur - sous prétexte qu'ils sont, horreur ! figuratifs!
Bacon, classé comme "moderne, bien que figuratif" ! Ah, vous regrettez bien, bande de fachos, de ne pas pouvoir l'éliminer, celui-là. Il ne rentre pas dans les cadres, celui-là...
Il s'est fatigué, Bacon, et plein d'autres, les Di Maccio, les Mazilu, les Lamy, les Matthäuer. La fatigue est d'extrême droite, sans doute ? Bande de boursicoteurs ! ...Parce qu'ils éprouvent et tentent de transmettre une émotion devant un corps, un ciel, un paquet de tripes ? L'émotion, c'est aussi d'extrême droite ? La foi en quoi que ce soit, c'est d'extrême droite ? L'Homme, c'est d'extrême droite, bande de pousseurs de merde ?
Voilà cinquante ans qu'on nous expose des poubelles, des tampax, des carrés de pollen de noyer - quelle audace ! - des affiches déchirées, des machins qui font clic-clic en anglais (évidemment) dans un écran de télévision ? Messieurs les Contestataires ! mais qui redeviennent vite des Hârtistes, attention, dès qu'il s'agit de passer à la caisse ! et de la considération s'il vous plaît ! il faut voir avec quelle morgue ils considèrent tous ceux qui ne les admirent pas ! Va chier, pauvre bourgeois ! Fais-toi enculer, mais n'oublie pas ton portefeuille !
Si tout le monde restait chez soi - au lieu de hanter ces vastes espaces où s'étale la sottise prétentieuse, eh bien ! nos pseudo-philosophes remballeraient leurs exercices de gribouillages et resteraient aussi chez eux. C'est en raison des fameuses lois du marché que les Beaux-Arts sont devenus un salon du bricolage cradingue, où il est impossible, où il serait même déshonorant de voir un cours de technique du dessin ou de la peinture, ou même un cours de modèle vivant ! Plus de sculpture, plus de moulage ! allez apprendre ces vieilleries chez les petits vieux, payez-vous des cours privés ! de toute façon, payez... Votre inscription aux Beaux-Arts, par exemple ; et sachez qu'aux Beaux-Arts, on apprend d'abord et avant tout que l'art, c'est bourgeois, c'est fini, avant de l'avoir appris ; à tout saloper, avant de savoir tenir un crayon, que dis-je - avec interdiction de savoir tenir un crayon.
- Vous n'êtes pas là pour transmettre votre savoir, vous êtes là pour permettre aux gens de s'exprimer" - voilà ce qu'on a dit - texto - à un professeur des Beaux-Arts...
Quant à ceux qui mènent voir en groupes aux enfants les grandes salles Dieu merci désertes du CAPC aux entrepôts Laîné de Bordeaux, ou ailleurs, pour leur montrer "ce que c'est que l'art aujourd'hui", ou "à quelles impasses conduit en art l'invasion de la rhétorique et de la mauvaise philosophie", je répondrai qu'il serait on ne peut plus dangereux d'amener une classe voir un défilé nazi pour lui montrer à quelles aberrations mènent certains courants de pensée pour le cas bel et bien dégénérée...
Dangereux, car certains peuvent s'imaginer - dans l'état d'ignorance et d'inculture où est désormais parvenue la majorité de la jeunesse française - qu'il n' y a que cela comme modèle. Mais montrez-leur des Rembrandt, des Van Gogh, des Egon Schiele, puis les merdes du CAPC, si vous voulez, mais en spécifiant bien que ce sont des merdes, qui se sont toutes entrencensées et poussées du coude pour usurper les cimaises que d'autres noms, bien plus glorieux, devraient recouvrir...
...Quand les peintres du XVIe s. peignaient, ils ne le faisaient pas pour être "des peintres du XVIe s.! c'était bien là le dernier de leurs soucis ! Or aujourd'hui, on peint pour être "du XXe s." ! comme si le modernisme se décrétait par ceux qui le décident ! il faut être contestataire de façon conforme, coco ! Qu'est-ce que c'est que ces notions débiles de "peinture", d'"art" d'époque ? il faudrait peut-être raser nos cathédrales parce qu'elles ne sont plus à la mode ? Bande de Pol-Pot !
L'art n'a pas à se soucier de modernisme ou de "progrès", il doit viser l'éternel, avec honnêteté. Encore des notions dont il faut se méfier ? Ben voyons ! L'art, sachez-le, ne conquiert pas chronologiquement, il conquiert spatialement. Dali, Schiele, Modigliani, ne sont pas "modernes" : ils ont rejoint l'éternel par une autre route. Et si l'art, si l'éternel n'existent pas, O. K. ! mais alors n'en faites pas commerce, bande de capitalistes pourris. Qui voulez passer pour des révolutionnaires ! en réalité, tant que vous faites vos saloperies vite torchées, sans âme et sans conscience, même pas professionnelle, au mépris de toute technique, de toute connaissance, pour flatter le peuple, pour lui prouver que tout un chacun peut devenir artiste, ce qui est faux, et vous le savez très bien - tenez : vous exposez des productions d'enfants, qui ne se débrouillent pas si mal, les pauvres endoctrinés - soixante années pour démontrer qu'un adulte peut très bien réussir à être aussi rudimentaire qu'un enfant - crime de lèse-jeunesse de ma part ! cracher sur la jeunesse ! - mais vous ne le payez pas, le gosse ; vous lui faites sans doute croire qu'il a encore des "progrès" à faire ! - eh bien pendant ce temps-là, vous ne dérangez surtout pas l'ordre établi, et les Présidents de la République peuvent vous rendre visite
L'Etat et. les marchands se sont tellement trompés - ils ont laissé crever Van Gogh, ils ont laissé crever Modigliani - que maintenant, n'importe quel déchet trouve preneur.
Pendant que vous faites vos conneries, allez, vous ne dérangez personne - "sauf vous Monsieur" - ah, ces gens-là ne sont jamais à court d'arguments, ce sont les rois du bla-bla, des philosophes de première bourre, vachement pervers - à la niche, les chiens du baratin !
Dans un cirque, ce n'est pas en se mettant le doigt dans le cul et en expliquant que c'est un numéro de haute voltige qu'on va se faire ovationner ! On ne triche pas, au cirque, bande de clowns!
Vous nous débitez les mêmes conneries depuis cinquante ans - puisque vous n'êtes sensibles qu'à des arguments idiots - et vous faites peser sur nous la chape de plomb du plus épais des conformismes pompier.