A C T E T R O I S, P R E M I E R T A B L E A U
Le décor est sensiblement le même. Simplement, un éclairage différent permet de voir que l'on est dans un autre intérieur misérable, avec un vieil homme, cette fois, dans un fauteuil médicalisé.
FITZELLE
Je te prépare un potage.
LE VIEUX
Hnn hoan....
FITZELLE approche une assiette pleine, traînant après elle une chaise paillée. LE VIEUX la lui renverse méchamment d'un revers de bras. Son regard est dur.
FITZELLE
Débarrasse le plancher ! (elle s'essuie les yeux)
VOIX OFF :
FITZELLE : Té, ça fait longtemps qu'y bande plus... Et y fodré encore que je le suce...
JEANNE: C'était quand la dernière fois ?
FITZELLE : Ça fait longtemps que je ne fais plus attention à tout ça... Je ne suis pas une obsédée comme vous...
DEUXIEME TABLEAU
Nuit. FITZELLE se promène en clopinant. Les yeux charbonnés, sur la tête iun catogan à oreilles de Mickey. Une palissade de terrain vague. Des grues dardant leur antenne aveugle. Chantiers béants. Au coin des sentiers les rôdeurs se concertent. FITZELLE porte un cbas gris bourré de pelotes et de légumes.
UN RÔDEUR
Plus d'emmerdes que de pognon...
FITZELLE sourit. Au bout d'une place mal tracée, une enseigne rouge s'étire sous quinze étages de béton : TAXI-CLUB. Fort grésillement du néon. Elle attend. Sur les pavés rougeoyants passent des ombres d'ivrognes des deux sexes. L'enseigne s'éteint. Grondement de la ville. Devant la porte assombrie une ombre remue les poubelles et s'éloigne. On entend tinter dans sa poche un trousseau de clés.
Comment va mon fils...? Comment va mon fils !...
L'OMBRE revient sur ses pas en vacillant. C'est un homme qui porte un complet de confection brun, assez laid, il sourit dans le vide. De la tête aux pieds il ressemble à un gros nounours qui se dandine.
FITZELLE
Pardonnez-moi Monsieur je vous aborde comme ça en pleine nuit n'allez pas vous imaginer, vous voyez comme je suis habillée ça n'est pas mon genre – parce que dès qu'une femme aborde un homme on s'imagine tout de suite – surtout une vieille comme moi qui aborde un jeune homme comme vous -
L'HOMME s'arrête, les mains dans les poches. Il cherche des yeux dans le noir. Il n' a pas cessé de sourire dans le vide, on voit les lames blanches de ses manchettes.
FITZELLE
D'habitude je sors en cloche, le vieux manteau la voilette et hop, je trottine le long des murs. Comme un vieux rongeur. Personne pour m'enquiquiner. Et regardez comme c'est bête les homme, il suffit qu'aujourd'hui je sois sortie en cheveux avec ça – elle désigne une espèce de catogan serre-tête en velours comiquement posé sur le sommet de son crâne – eh bien vous voyez le type là-bas qui traverse, il m'a abordée, il voulait coucher avec moi, c'est terrible tout de même pour une femme je me demande à quel âge je serai débarrassés, je l'ai remballé, il a insisté, je lui ai dit « mon vieux t'as l'air con », je ne sais pas moi je serais un homme on me dirait « t'as l'air con » ça me vexerait mais lui non il remettait ça tenez le v'là encore qui traîne, ne vous en allez pas tout de suite...
L'HOMME, débit lourd des gens du Nord
Les hommes, c'est tous des cochons.