("L'escalier de fer" d'Anne Jalevski, 0556 9799 57)
Ce qu'il y a d'éminemment sympathique, et de typiquement italien à mon sens, c'est le sens du baratin, de la formule brillante et creuse apportant des informations sur l'art et la manière de parler, fournissant une belle éloquence : nature de l'art, sens et expression, le rappel en particulier que l'art doit être expression. Trop souvent en effet, devant les œuvre contemporaines, j'ai envie de m'exclamer : « Où suis-je, moi, là-dedans ? Et où êtes-vous, vous-même, l'artiste ? » - car on a développé le concept funeste de la froideur, de l'absence, de l'art à l'état pur, sans qu'un homme parle à un autre homme. Et c'est pourquoi cet artiste-là, Mario Molteni, qui jusque-là dans son petit ouvrage n'avait montré que ses mains, de belles mains d'artisan âgé, expérimenté, ou ses productions, de la belle ouvrage bien humble, ne prétendant pas surpasser les grands modèles, mais sachant du moins en perpétuer la tradition, consent à exposer son portrait, de face, bien souriant.
Il nous en a prévenus dès l'avant-propos : il ne saura pas nous transformer un artiste, il ne nous dira pas ce qu'il faut sculpter, ni comment, ni pourquoi : cette force-là, cette motivation-là, ce talent, cette âme, ce sont les nôtres. Il serait présomptueux, nous di-il, voire naïf, de s'imaginer posséder un diplôme d' « artiste », comme n'hésitent pas à en délivrer certains instituts américains (c'est tout eux, ça...), sou sprétexte qu'on a suivi tant ou tant de semestres à telle académie des Beaux-Arts sanctionnés par un diplôme à afficher au-dessus de sa cheminée. Mais au moins, Mario Molteni nous aura transmis la liste du matériel, et certains tours de mains à acquérir. De même, dit-il, que nous apprenons d'abord les syllabes, puis les mots, la conjugaison et la grammaire, qui peuvent d'abord nous paraître ingrats, mais que nous oublions ensuite par la simple pratique du langage, il nous faut assimiler les rudiments de la technique de l'argile.
Et faire de la musique sans solfège, ou de la couture sans aiguille ni fil, reviendrait à ne rien faire du tout. Il y a deux choses qu'il ne peut nous enseigner, c'est donc l'inspiration, et l'expérience, où chacun se découvre ses propres ressources. Du coup, la partie technique de ce petit ouvrage ne représente qu'un nombre assez limité de pages, moins de la moitié. Cela vaut mieux que tel livre traduit de l'américain, où l'on vous précise qu'il vaut mieux disposer son matériel à la umière qu'à l'ombre, posséder un point d'eau pour bien nettoyer son matériel, ainsi qu'une quantité suffisante de réserve de terre, ce dont nous ne nous serions jamais doutés, et qui précise bien, à propos des portraits : « tâchez d'attraper la ressemblance », sans blaque, you twut hole ! C'est très grossier. Mais on reste sur sa faim. Molteni nous met dans la barque avec tout le matériel de survie, puis il nous pousse au large, et démerdez-vous. C'est honnête. Nous aurions peut-être aimé plus de détails. En lieu et place, et afin de nous familiariser avec la religiosité de l'artisan, continuateur humblement fier d'une tradition plus que millénaire, nous bénéficions de reproductions sur papier glacé, depuis les stèles mésopotamiennes jusqu'aux sculptures modernes occidentales, en passant par les têtes d'argile de l'Afrique médiévale.